L'arche
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Article - L'arche
Pour en finir, une fois pour toutes, avec Jean-Marie Le Pen
Par Ivan Levaï | 01 octobre 1987
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Article - L'arche
Pour en finir, une fois pour toutes, avec Jean-Marie Le Pen
Par Ivan Levaï | 01 octobre 1987
L'arche

En 1987, Jean-Marie Le Pen, fondateur et président du Front National, déclenche le premier scandale majeur de sa carrière en qualifiant les chambres à gaz de « point de détail de l’histoire ». Quelques semaines plus tard, le journaliste Ivan Levaï réagit, lui qui insistait sur la nécessité de tendre un micro à Le Pen pour qu’il se dévoile. Ce qui devait arriver arriva, et Le Pen fut propulsé sur les devants de la scène politique. Au grand dam d’Ivan Levaï lui même.

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Revue de l'Arche d'octobre 1987
André Lajoinie, Lionel Jospin, Pierre Mauroy et Alain Madelin ont affronté Jean-Marie Le Pen à la radio-télévision ou se déclarent prêts à le rencontrer pour débattre. Et l'abattre ! Mais à quoi bon désormais ? L'homme est tombé tout seul un dimanche de septembre devant les journalistes très professionnels du « Grand Jury RTL-Le Monde ».
Voilà des années que le leader du Front national masquait soigneusement son antisémitisme ordinaire. Ce n'était pas lui qui, dans les meetings de l'extrême droite, tenait des propos passibles des tribunaux, mais des sympathisants, amis de ses amis et incontrôlables naturellement.
Ce n'était pas lui non plus qui tenait la plume des rédacteurs du journal Présent, plusieurs fois condamné pour racisme militant. Ce n'était pas lui, enfin, qui vouait aux gémonies quatre journalistes juifs à la fête tricolore du Bourget... mais un « lobby de menteurs » qui, sous les quolibets de la foule, se désignait lui-même ! Innocent comme l'agneau qui vient de naître, Le Pen allait partout rappelant son père mort pour la France, son admiration pour l'État d'Israël, et la présence de quelques juifs parmi les responsables du Front national.
Le Monde, L'Evénement du Jeudi, Le Nouvel Observateur et quelques autres avaient beau s'épuiser à fixer les cousinages suspects entre l'extrême droite française et les partis néo-fascistes européens, démonter les passerelles, qui des cercles révisionnistes menaient à des clubs plus ou moins bruns, avant de déboucher curieusement sur les dirigeants iraniens ; il n'y avait rien à faire. D'un seul mouvement de son écharpe de député, Le Pen balayait les critiques importunes, investissait des villes : Dreux, Grasse, avant Nice et Marseille, et s'installait dans quatre régions, progressant chaque jour un peu plus dans les sondages de respectabilité et de légitimité. Pour un Michel Noir préférant perdre les élections plutôt que son âme, cent notables choisissaient de pactiser avec lui ou de fermer les yeux.
L'effet Le Pen se nourrissait lui-même.
Combien de fois ai-je entendu dans la communauté des voix suggérant de faire silence devant l'ouragan ? D'autres proposaient le boycottage des médias, ou recherchaient les premiers responsables dans les rangs de l'opposition, ou ceux de la majorité.
Combien de fois m'a-t-il fallu répondre, à la manière d'Alain Duhamel dans Le Point, que le jugement des Français suffirait, à condition d'ouvrir assez haut les micros, pour que Le Pen puisse y parler et déraper. C'est fait. Il aura suffi de quelques émissions de radio et de télévision pour prendre le président du Front national en flagrant délit de racisme, de révisionnisme et d'antisémitisme.
Racisme et antisémite...
« Le racisme, c'est la haine de l'autre; l'antisémitisme, c'est la haine de l'imperceptiblement autre », disait Vladimir Jankelevitch. La preuve est faite que cette double détestation habite depuis longtemps Jean-Marie Le Pen.
Souvenez-vous. Au printemps 1978, l'héritier des ciments Lambert prononçait sur la tombe de son camarade François Duprat, disparu dans un attentat, un discours dans lequel il dénonçait pêle-mêle Blum, Mendes, Charles Fiterman et Claude Estier. Tous Français de préférence comme on sait, mais pour lui imperceptiblement étrangers.
Quelques mois plus tard, invité de « l'Heure de Vérité », le même Jean-Marie Le Pen croyait utile d'indiquer qu'il n'était pas contraint d'aimer Marc Chagall ou Simone Veil ! Toujours la même imperceptibilité !
Plus tard encore, il s'en prenait à quatre journalistes, avec le mépris qu'il voue aux « faibles qui affaiblissent le corps social », aux « sidaïques », ou à ceux qu'il appelle... « français de fraîche date », comme Bernard Stasi.
Dois-je dire ici que Pierre Jouve et Ali Magoudi, qui suivent depuis quatre mois avec micros et caméras le président du Front national, l'ont filmé déclarant, à propos de votre serviteur, qu'en le combattant je défendais ma race. La « race juive » évidemment.
Je ne veux pas exagérer l'importance du grand démagogue, mais l'on ne m'empêchera pas de relier directement son vocabulaire, ses idées d'exclusion et son comportement aux traditions des années trente et quarante.
Quant à son lapsus de septembre sur « le détail » des chambres à gaz, il m'a moins surpris que l'étonnement des naïfs. En effet, Le Pen n'a rien fait d'autre que dire tout haut ce qu'il pensait tout bas, en dévoilant tout à trac sa vraie nature. Le leader du Front national est xénophobe, raciste, antisémite.
Nul ne devrait plus composer avec lui, ni même lui organiser des débats-spectacles à la télé. Il nous reste sept mois avant l'élection présidentielle. Sept mois pour ramener l'extrême-droite à son niveau des années soixante, et en finir une fois pour toutes avec Jean-Marie Le Pen.
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Le Pen n'a rien fait d'autre que de dire tout haut ce qu'il pensait tout bas - Dessin tiré du savoureux album de notre ami Plantu, « A la soupe ! »

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